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Vous avez dit folklorique?
28 mai 2009

Dents sensibles ?

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"Une corde qui tressaille, un son qui s'ébranle, frémit et se déplie dans l'espace : voici que tout à coup le violon se met à chanter. Cette voix, c'est sa voix, mais c'est aussi la mienne, chaude et vibrante, à la fois riche et dépouillée.
          
"Je me souviens que, lorsque j'ai joué pour la première fois du violon, je ne pensais qu'à une chose, j'étais animé par une seule urgence : quand serai-je capable de vibrer ? Cette idée a guidé mes pas dans la conquête de l'harmonie, sous la forme de cet accord profond et constant qui unit l'homme et son violon et, par là même, qui le relie aux autres hommes et le rapproche du monde.
               
"Objet de mon amour et prolongement de mes membres supérieurs, le violon est un corps vibrant que je possède et qui me possède, que j'étreins avec délicatesse, veillant à n'étouffer aucune des vibrations que son archet suscite.
Il déroule le fil d'une alliance magique entre plusieurs royaumes : celui de l'ouïe, celui de la vue et celui du toucher. Car la recherche du son le plus achevé a conduit les luthiers du passé à façonner l'un des plus beaux instruments que l'oeil puisse contempler. Et le velours de ses fibres donne à celui qui les effleure un bonheur d'une profonde sensualité. Par le violon, une même idée de la perfection et de la beauté a transcendé la matière et le son.
               
"La communication ne se fait pas seulement dans la parole : la voix du violon est si riche en possibilités qu'elle excède largement l'échange des signes du langage parlé. Les nuances, les inflexions, les subtilités qui naissent entre ses quatre cordes sont aussi nombreuses que les gouttes d'eau dans l'océan. Le violon répond au moindre souffle, au plus petit accent de celui qui le joue. Il enregistre les élans ou les retenues les plus infimes, se prêtant à toutes les métamorphoses, de la mélancolie à la fureur, de la sérénité à la jubilation, du recueillement à l'effervescence. La palette de ses couleurs est aussi vaste que celle du peintre.
          
"C'est l'univers diapré de cet instrument multiple, le long périple qui le mène des peuples primitifs aux salons cultivés, du bois à l'objet sculpté, du vide à la vibration que je vous invite à suivre en découvrant avec moi, au fil des mots et des images, la légende du violon."

Yehudi Menuhin, La Légende du Violon

                

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Encore plus capricieux que la flûte, qui déjà avait une légère tendance à donner du fil à retordre (cours de rattrapage), le violon n'accepte pas les erreurs. On dirait que l'archet qui passe maladroitement sur ses cordes le blesse en quelque sorte, car on l'entend pleurer.
            
Ce n'est pas non plus dire qu'on n'a pas le droit d'être débutant. Le violon n'exige pas un niveau phénoménalement élevé en matière de violon avant même qu'on ne le touche, et contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas la lutherie du violon qui détermine son statut. Même au contraire : un violon d'étude acceptera moins d'erreurs qu'un beau violon, car le violon d'étude préférera craquer, chouiner et tout faire pour décourager l'apprenti, alors que le beau violon fera de son mieux pour sonner juste, même attaqué sauvagement par un archet trop lourd ou trop léger. Ce n'est donc pas une question de niveau technique, mais plutôt une question de sensibilité : le violon est l'un des instruments les plus adaptables, mais il est également réputé difficile.
          
Lorsqu'on apprend à essayer de maîtriser un violon... violon qui ne se laisse pas toujours faire, il faut le préciser... les bruits qui peuvent en sortir rassurent tous ceux qui ont les dents solides. Il vaut mieux également ne pas avoir d'animaux domestiques en forme de chats à la maison, car ceux-ci ont une belle dent contre le violon. Une théorie voudrait que les chats ont une mémoire formelle du temps où leurs boyaux étaient tordus et tendus sur une touche d'ébène, puis passés sous les doigts des hommes manipulateurs, afin de procurer à l'oreille humaine un son qui lui était plaisant. Cette mémoire formelle les empêcherait à tout jamais d'apprécier le son d'un violon, car un tel son leur tordrait les boyaux, pour ainsi dire. Le bruit émanant d'un violon manié par un débutant fait peur, et c'est normal. Tel un professeur de classe préparatoire, le violon n'aime pas qu'on le dérange dans l'exercice de ses fonctions, et tentera d'effrayer un maximum de personnes dès le début de son apprentissage afin de réduire les risques de malmenage par la suite.
         
Il faut dire que le violon est un instrument reconnu et prestigieux, donc s'il y en a bien un qui peut se permettre de choisir la personne qu'il autorisera à lui adresser la parole, c'est lui. La flûte, quant à elle, n'a pas ce prestige-là : introduite de force dans les mains gluants de petits collégiens, elle est habituée à être maltraitée et daigne accorder un minimum de reconnaissance à celui qui lui donnera un répertoire plus habile à jouer. Le violon est plus hautain : comme le musicien diplômé du Conservatoire de Dijon qui se retrouve parachuté au milieu d'amateurs joueurs de bodhran, il sait qu'il mérite le respect, il a donné son CV à l'entrée et il se sait plus diplômé et de meilleure facture que les autres. En ce, le violon d'étude est tout aussi péteux que la copie d'instrument. Pour approcher un violon, comme pour dompter une cabrette, il faut se montrer humble et soucieux de ses erreurs. Le violon pardonne, mais n'oublie pas, et les erreurs inexcusées reviennent au galop lors du prochain concert ou du prochain spectacle, humiliant leur perpétrateur au passage.
          
Le violon s'adapte... ou pour être plus précis, c'est lui qui adapte celui qui tente d'en jouer. Il existe des violons plutôt orientés vers la musique folk, et d'autres qui ne souffrent d'être vus qu'en concert, accompagnés d'une jolie violiniste de noir vêtue. Il existe des violons électriques, des violons en plastique, des violons en métal, des violons en bois. Le son peut être rauque et perçant, ou sensuel et envoûtant. Tout dépend du destin du violon lui-même : ce n'est pas le joueur qui choisit. C'est d'ailleurs pour cela qu'il est nommé "joueur" : en achetant "son" violon, il fait un pari sur l'avenir car il ne peut jamais être sûr de l'orientation que prendra l'instrument.

               

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Et pour le plaisir, un des plus beaux morceaux de musique classique - généralement joué au violon - que je connaisse. Il s'agit du Canon de Pachelbel : connu et archiconnu, mais d'une grande beauté et d'une grande sensibilité.
          
Wikipédia nous explique en anglais que Johann Pachelbel, connu principalement et presque uniquement pour son Canon, était un musicien allemand né et mort à Nuremberg (1er septembre 1653 – 3 mars 1706). Son père était négociant en vins. Il fit des études musicales à Altdorf et Ratisbonne, et fut élève de Johann Kaspar Kerll. Il occupa successivement des postes d'organiste et professeur dans plusieurs villes d'Allemagne centrale et méridionale : à la cathédrale Saint-Étienne (Stephansdom) de Vienne (1673), à Eisenach (1677), où il est lié d'amitié avec la famille Bach - il enseigne à Johann Christoph, le frère aîné de Jean-Sébastien, à Erfurt (1678), à Stuttgart (1690), à Gotha (1692), à Nuremberg (église Saint-Sébald) en 1695, où il reste jusqu'à la fin de sa vie. Pachelbel est à son époque un des compositeurs importants de l'Allemagne centrale et méridionale ; cette région est sous l'influence de l'Italie, beaucoup de ses musiciens ayant étudié avec Frescobaldi, Carissimi - c'est le cas de Kerll, son maître - ou les Gabrieli. Pachelbel est le principal maillon de la tradition qui relie Bach à ces modèles. Son œuvre, à l'harmonie simple et à la mélodie chantante, est d'un contrepoint un peu sévère.
         
Et pour vérifier par vous-mêmes le "contrepoint un peu sévère" qu'on trouve chez Pachelbel, voici un extrait célèbre de son oeuvre.

                

Canon_I

Canon_II

Canon_III

Canon_IV

Canon_V

Canon_VI

Canon_VII
                           

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